Partie 4 – Etude SYSCOMYO : Les membres fantômes

7 juillet 2022

Qu’est-ce qu’un « membre fantôme » ? 

Cette expression existe depuis 1872 et a été utilisé par Silas Weir Mitchell qui en fourni la première description clinique claire. Le membre fantôme est la perception résiduelle d’un segment corporel manquant ou inexistant. Il est décrit chez 80 à 98% des personnes amputées et évolue dans le temps. Il est le plus souvent douloureux, on parle alors d’algohallucinose. 

Les douleurs induites par les membres fantômes peuvent être de natures très variées : décharge électrique, brûlure, crampe, écrasement, sensation d’étau, torsion, coup de couteau…Elles peuvent avoir une origine cérébrale/centrale, en lien avec une réorganisation de certaines aires du cerveau, ou une origine périphérique en lien avec une repousse anarchique des nerfs à la suite de l’amputation. Lors d’une amputation, les fonctions motrices et sensitives vont être altérées. 

Mais comment cela fonctionne à la base ?

La réalisation d’un mouvement volontaire est un processus complexe qui a une origine cérébrale et qui se termine par la contraction des muscles essentiels à la réalisation du geste. Schématiquement, la production d’un mouvement se fait en 2 étapes. Pour illustrer cette organisation idéomotrice du mouvement par un exemple, nous allons « prendre l’ascenseur ».

  • Un premier temps va permettre de définir les objectifs du mouvement et le comportement à adopter pour réaliser la tâche. Dans notre exemple, cela implique de se rapprocher du mur pour ensuite appuyer sur le bouton de l’ascenseur. 
  • Dans un deuxième temps, différentes structures cérébrales vont permettre de spécifier la séquence précise d’activation des contractions musculaires responsables du geste choisi. Il s’agit dans notre exemple de soulever le bras et de tendre l’index vers le bouton.

L’exécution du mouvement à proprement parlé est sous l’égide du cortex moteur primaire (M1). Il est responsable de l’information nerveuse qui va déclencher les contractions musculaires programmées pour appuyer sur le bouton de l’ascenseur. Le cortex moteur primaire a une organisation somatotopique où à chaque partie du corps correspond une surface. Cette représentation est proportionnelle à la complexité des mouvements pouvant être réalisés par chaque partie du corps : c’est l’homonculus moteur (Figure 1).

La somesthésie correspond à l’ensemble des mécanismes nerveux qui permet la transmission des informations sensitives du corps jusqu’au cortex somatosensoriel, ou somesthésique, qui reçoit l’ensemble des informations sensitives du corps. 

De la même façon que M1, les régions du corps sont représentées sur chaque aire du cortex somatosensoriel proportionnellement à la densité des récepteurs présents sur la surface cutanée. Cette représentation corticale correspond à l’homonculus sensoriel (Figure 2). Les récepteurs sensoriels, répartis sur la peau mais également au niveau des muscles et des articulations, sont appelés mécanorécepteurs.

Lors d’un mouvement volontaire, les caractéristiques du geste vont être modulées en fonction des paramètres perçus par les différents systèmes sensoriels, notamment le système visuel. Il est décrit comme prédominant sur les systèmes tactiles et proprioceptifs. Regarder un mouvement sollicite sensiblement les mêmes zones du cerveau que lorsqu’on réalise ce mouvement. Ceci nous amène vers les neurones miroirs, découvert en 1996 par l’équipe de Rizzolatti et Gallese. 

Le système miroir chez l’homme serait en mesure de construire dans le même temps une compréhension des actions et des intentions motrices. La visualisation d’un acte moteur entraîne la constitution d’une représentation mentale de cet acte de la part de l’observant dans le but de comprendre l’action et sa finalité. Les neurones miroirs sont une base importante pour l’apprentissage moteur et plus particulièrement dans le cas de l’apprentissage par imitation. Les neurones miroirs peuvent aider à la mise en place d’une imagerie motrice et d’une perception de son corps différente, dans le sens où la vision de l’acte moteur est intégrée par le patient.

Que se passe-t-il lors d’une amputation ?

Dans le cas de l’algohallucinose, un conflit entre la perception visuelle et l’absence de retour d’informations somesthésiques (on parle d’informations afférentes) du membre absent induit une confusion dans la représentation corticale précédemment décrite et ceci va être à l’origine des douleurs. La réorganisation corticale dans les suites d’une amputation se produit essentiellement au niveau du cortex somatosensoriel. La zone amputée n’étant plus afférentée, la zone correspondant dans l’homonculus sensitif va être avide d’informations sensorielles. Les zones voisines vont donc envahir cette zone non afférentée.

Un des moyens utilisés en rééducation pour lutter contre ces douleurs est la thérapie miroir. Inventée en 1995 par Ramachandran, son but est de rétablir une cohérence entre les intentions motrices et les afférences visuelles pour donner l’illusion au cerveau que le membre amputé est toujours présent et fonctionnel.

La technique originelle est réalisée en plaçant un miroir entre les membres du patient de façon à refléter l’image du membre sain en lieu et place du membre amputé. L’intention motrice doit correspondre au retour d’informations visuelles ou feedback, renvoyé par le membre sain dans le miroir (ex : ouvrir la main). Ces nouvelles afférences visuelles sont contradictoires avec celles reçues par le patient depuis son amputation et vont permettre d’établir une nouvelle conscience physique, motrice et sensorielle au niveau du membre amputé par recalibrage/rééquilibrage des connexions sensorimotrices, ce qui a pour but de diminuer les douleurs.

Quels équipements permettent de traiter ce phénomène à Verdaich ?

Depuis quelques années, la clinique de Verdaich s’est équipée d’une version numérique, l’IVS3 (Intensive Visual Simulation) qui permet une reproductibilité des séances avec un enregistrement de la séquence de travail personnalisée. Ce dispositif innovant de Simulation Visuo-Motrice reprend les bases physiologiques de l’imagerie motrice et des neurones miroirs. Dans un premier temps, le patient produit un geste de référence avec son bras sain, puis dans un second temps, il positionne son bras déficitaire sous l’écran et regarde alors l’image de son bras sain reproduit en miroir. Le patient a ainsi l’illusion que c’est son bras déficient qui fait le mouvement.

Technique originelleVersion numérique – IVS3

L’outil de rééducation IVS3 de Dessintey associe donc l’intérêt antalgique à la réussite fonctionnelle d’utilisation des prothèses multi-capteurs qui sont calibrées à partir des mouvements imaginés par le patient au niveau de son membre fantôme.